« L’homme civilisé a construit des voitures, mais il a perdu l’usage de ses pieds. »
Ralph Waldo Emerson
Au fil des années, l’usage de la voiture s’est démocratisé jusqu’à devenir incontournable. Tout est conçu et pensé voiture : les paysages ont été profondément marqués, les villes ont été repensées pour éviter la congestion. Les infrastructures routières ont été mises en place et privilégiées jusqu’aux années 1980.
D’un point de vue énergétique, la voiture est pourtant le véhicule le moins efficace. 83 % du trafic se fait en voiture, et elle représente 35 % des émissions de CO2. Reconsidérer la place des automobiles dans notre quotidien est urgent. Il est nécessaire de revenir en arrière, mais en sommes-nous capables ?
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’industrie automobile n’a aucun intérêt à voir d’autres moyens de transport se démocratiser. Comme le dit si bien Mikael Colville-Andersen « Le vélo est une menace réelle et immédiate pour la dominance de la culture automobile dans nos villes ». Et au-delà de l’industrie automobile, c’est tout un pan de l’économie moderne qui dépend exclusivement de la filière automobile.
Une voiture pèse en moyenne 1247 kg : c’est un monstre de métal. Son volume est d’ailleurs totalement disproportionné quand on sait qu’elle transporte en moyenne seulement 1,2 personne et reste garé 90 % du temps. En plus d’être lourde, elle est bruyante, polluante. Elle va à une vitesse vertigineuse. Et elle tue : 1,3 million de personnes meurent d’un accident de voiture dans le monde chaque année1.
Vous avez digéré l’ensemble des chiffres que vous venez de lire ? Votre esprit n’est pas trop embrumé ? Promis, j’essaierai de ne pas faire fondre davantage votre cerveau dans les chapitres suivant !
La problématique de la sédentarité
La sédentarité est l’un des plus grands fléaux de notre société moderne. Enfant, nous passons des mois entiers, voire des années entre un landau et une poussette. Une fois adultes, nous passons notre temps assis dans notre voiture ou dans les transports en commun, nous travaillons assis à notre bureau, et nous finissons assis, le soir, devant un poste de télévision (ou devant notre ordinateur).
L’être humain n’a jamais été aussi immobile que ces dernières décennies. L’évolution de notre comportement se traduit par des conséquences directes : surpoids, obésité, accroissement des maladies cardio-vasculaires, diabète, augmentation des risques de cancer du côlon, d’hypertension artérielle, d’ostéoporose, de troubles lipidiques, de dépression et d’anxiété2.
Et lorsque l’on se rend compte que des poignées d’amour ou que notre petit ventre à bière commence à pousser, on se remet en question. Pour pallier à ces problématiques tout en conservant notre hygiène de vie démesurément paradoxale, nous nous inscrivons à des salles de sports, ou nous nous entassons en sueur pour faire du cardio ou du renforcement musculaire. Nous faisons un régime, pour perdre quelques kilos.
Mais la solution n’est ni un régime miracle ni une pratique du sport à outrance. Une des solutions est de penser au fond du problème : son mode de vie. Il faut tout simplement être actif au quotidien. Notre corps n’est pas une simple marionnette que l’on déplace avec nous parce qu’on n’a pas le choix. Il faudrait donc envisager arrêter de choisir des raccourcis “passifs” pour ne pas avoir à nous fatiguer.
Donc, pour que notre corps ne soit pas un spectateur dans notre propre vie, je recommanderai de changer totalement notre mode de fonctionnement. Mais peut être que notre job de bureau - pour ceux qui travaillent dans un bureau - nous plaît et je vous comprends : je passe moi-même quotidiennement de longues heures face à mon écran, et même si des solutions telles que le standing desk (des bureaux rehaussés pour travailler debout) existent et permettent de brûler quelques calories de plus qu’en restant assis, il convient cependant de se pencher sur nos déplacements quotidiens.
Se déplacer en utilisant la marche, le vélo ou tout autre moyen de traction à la force de notre sueur comporte l’avantage de fusionner le temps des déplacements et celui d’un éventuel abonnement à la salle de sport. Oui, je suis en train de vous expliquer qu’il est possible de gagner du temps en abandonnant sa voiture !
Une question économique
Le prix de l’automobile
Avoir une voiture, c’est un peu comme être en colocation. Au début, vous cherchez une (ou plusieurs personnes) avec qui vous allez devoir vous entendre. Une fois la perle rare trouvée, vous emménagez dans cet appartement. Vous avez pensé à tout, et c’est génial, vous allez pouvoir rogner sur le prix du loyer et faire des économies d’échelle en faisant des courses communes, diviser les charges d’électricité, d’eau et d’Internet.
Au bout de quelques mois, vous vous rendez compte que tout n’est pas aussi beau que sur le papier. L’un des colocataires est parti avec 3 loyers de retard, et celui qui reste prend des douches d’une demi-heure et laisse toujours les lumières allumées. Le comble : il ne trie pas, ne composte pas, et il laisse ses poils dans le lavabo de la salle de bains !
Vous devez vous dire que j’ai été traumatisé de mes expériences de colocation pour en parler ainsi, mais non ! La réalité est là : il est difficile d’estimer le coût annuel de l’automobile du fait de sa fragmentation. L’entretien, les réparations, l’essence, le crédit et l’assurance sont autant de postes variables qu’il n’est pas évident de budgétiser.
Cependant, la moyenne des dépenses annuelles liée à une voiture me procure un petit frisson dans le bas de la nuque. 3300 € par an. Cette somme me semble folle, pas vous ? Je crois que même avec un super vélo (électrique ou pas), une carte dans l’atelier de réparation de vélo du coin, des déplacements fréquents en train et un abonnement pour les transports en commun, vous avez encore de la réserve pour vous prendre un aller-retour en classe éco pour le Costa Rica !
Dans ces 3300 €, comptez 1500 € pour le carburant, 620 € d’assurance, 460 € pour l’entretien du véhicule, et 720 € de dépenses diverses (comme le remboursement du crédit ou les places de parking).
Lorsqu’un ménage se rend compte du coût qu’occasionne son budget voiture, il va chercher à rogner sur tel ou tel poste avec un véhicule qui consomme moins, éviter les réparations. En évitant les réparations, vous ne ferez que retarder l’inévitable, et vous mettez en péril votre vie (et celle des autres usagers). J’ai une autre solution pour vous : vendez votre voiture !
La décroissance
Ces dernières années, une tendance a commencé à se dessiner autour de la simplicité volontaire. Selon cette conception de la vie, il semble primordial de ralentir le rythme effréné et sans fin de cette course à la consommation. La réalité est pourtant simple : nous sommes en train de nous rendre compte progressivement que de nombreux modèles actuels ne fonctionnent pas. Les industries, qui disposent d’une force de pouvoir et de persuasion n’ont aucun intérêt à promouvoir la décroissance.
Et pourtant ! Certains rouages essentiels de notre société moderne ne fonctionnent pas. Les initiatives de l’État se multiplient, mais restent encore marginales lorsque l’on se rend compte du chemin qu’il reste à parcourir. Sans compter une majorité de sceptiques, pour qui la décroissance résonne comme un retour à l’âge des cavernes.
Non, revenir en arrière est normal lorsque quelque chose ne fonctionne pas. Mais à grand coup de renfort publicitaire et de lobbies, on peut faire avaler n’importe quelle couleuvre à une population crédule.
Crédit à la consommation
« En 1926, plus de 30 % des ménages américains disposent de cette coûteuse invention qu’est la voiture. Les deux tiers sont achetés à crédit »3. Aujourd’hui, les choses n’ont pas vraiment changé. Près de 75 % des voitures sont achetées à crédit en France. Un constat édifiant pour moi, d’autant plus que cette pratique est dans les mœurs, depuis le début.
« Soixante-deux mille quatre cents répétitions font une vérité. »4 La voiture est imprimée dans la rétine à grands coups de spots publicitaires, d’offres alléchantes, et d’avantages indéniables. On nous vend une machine de téléportation, un moyen facile de nous rendre loin, vite. Une sensation de liberté. Mais où se situe la liberté, lorsque votre véhicule vous oblige à travailler et rembourser des mensualités de crédit pour vous payer ce style de vie ?
Le crédit est un poison, il nous permet d’acheter des biens dont nous n’avons pas les moyens à l’instant T. Nous utilisons notre « argent futur » pour financer notre vie présente, sans parler des intérêts. Dans le cadre d’un investissement immobilier, cela se justifie aisément. Dans le cas de la consommation, cela est tout bonnement une aberration. Mais notre économie est entièrement conçue sur le crédit, qui est lui-même une pierre angulaire dans le mécanisme de création monétaire !
Le matraquage publicitaire nous propose d’acheter toujours plus, plus cher. Vous voulez profiter de la vie à 100 à l’heure ? Ce n’est pas avec un crédit que vous allez le faire. Car c’est par définition une dette. En ce qui me concerne, lorsque je dois de l’argent à quelqu’un, j’y pense tous les jours. La seule manière de me débarrasser de cette pensée est de rembourser la personne en question.
Je me souviens de cette fois ou ma sœur m’avait vendu son frigo il y a quelques années, je n’avais pas l’argent sur moi lorsqu’elle me l’a amené, et chaque jour je pensais à ce frigo qui ne m’appartenait pas encore. Si je peux vous donner un conseil : ne contractez jamais de crédit à la consommation, fuyez-les comme la peste. Si vous êtes déjà “contaminé”, évertuez-vous à vous en débarrasser. Prenez un deuxième job, vendez vos objets de valeur, gagnez des années et remboursez ce satané crédit.
J’ai cette amie, Mélanie, qui a payé sa voiture 13 000 €. Mélanie ne roule pas sur l’or, elle a donc pris un crédit à la consommation de 6 ans pour rembourser sa magnifique voiture. Du fait de ce crédit et de ses faibles revenus, elle n’a même pas de quoi se faire plaisir chaque mois. Et comble de l’ironie, elle va à son travail en tram, car il lui revient moins cher d’utiliser les transports en commun plutôt que sa voiture, grâce au remboursement de la moitié de son abonnement par le travail.
J’ai envie de vous épargner une autre histoire, celle de Béatrice, qui a eu un accident avant même d’avoir terminé de rembourser son crédit. Résultat ? Elle avait un crédit à payer, et pas de voiture à utiliser.
Voici typiquement des exemples aberrants, des situations qui - je l’espère - ne vous arriveront jamais, mais qui ne semblent pas si exceptionnelles lorsque je tends un peu l’oreille, écoutant mes amis, connaissances, ou famille.
Une démarche écologique
Les énergies fossiles
Les énergies fossiles sont utilisées dans de nombreux domaines du quotidien tels que le chauffage, l’électricité et le transport. La problématique est la suivante : en utilisant à outrance des énergies fossiles, nous accélérons le réchauffement global de la planète, provoquant un genre de désordre cosmique !
Voici quelques exemples :
- Une perturbation de l’écosystème, avec de nombreuses espèces en voie d’extinction. Je sais, vous vous dites peut-être que tant que les espèces en questions ne sont pas l’homme, ça n’a aucune importance. Mais il n’y a pas que ça.
- Des phénomènes météorologiques tels que d’extrêmes vagues de chaleur et la sécheresse des sols. Là déjà vous pouvez être concernés. Imaginez, vous tombez le mauvais jour, vous oubliez votre bouteille d’eau salvatrice. Oui, notre vie ne tient qu’à un fil.
- Une production agricole en baisse.
- Une montée du niveau de l’océan.
Dans l’industrie agroalimentaire, le pet des vaches est lui aussi responsable du réchauffement climatique. Oui moi aussi je me suis marré la première fois qu’on m’en a parlé. Et puis j’ai réalisé qu’effectivement, le méthane contenu dans les flatulences bovines participait au réchauffement climatique. Ils représentent par exemple en France près de 5 % des émanations de dioxyde de carbone, soit l’équivalent de 15 millions de voitures. Oui, péter n’est pas seulement désagréable pour nos narines, c’est aussi mauvais pour la planète.
Impact environnemental
L’impact environnemental de l’automobile sur Terre est multiple. C’est d’ailleurs incroyable que l’on utilise encore la voiture après avoir pris conscience de l’ensemble de ses aspects néfastes. Sans doute est-ce une preuve de la propension de l’homme à s’autodétruire.
Tout d’abord, une voiture est bruyante. Qui n’a jamais vu ces murs de pierre aux abords des périphériques afin de contenir un minimum le bruit ? Une amie dispose d’un appartement avec vue sur la rocade (le périphérique de Grenoble), et je peux vous le dire : heureusement qu’elle a un bon double vitrage ! Et sa superbe terrasse, sur laquelle elle pourrait boire son café du matin n’est jamais utilisée. Et je la comprends. Avec autant de bruit et de poussière de bon matin, qui en aurait envie ?
On parle beaucoup des morts humaines, et c’est normal, on se sent directement concerné lorsque l’on pense que ceci pourrait aussi nous arriver. Mais au-delà des morts humaines, il y a les morts animales. Ce que l’on nomme l’effet roadkill représente aux États-Unis près de 253 000 animaux par an, dont 90 % sont des cerfs5. En France parmis la grande faune, ce sont principalement les chevreuils, sangliers et hérissons qui sont touchés. La raison de ces collisions ? La fragmentation de l’habitat naturel des animaux par les routes, qui coupent littéralement en deux l’espace de vie des animaux. En parlant des hérissons, cette espèce disparaît peu à peu : leur population baisse de 5 % par an6, et serait menacée d’extinction en 2025.
Pour éviter cet impact direct sur la biodiversité, des passages piétons pour animaux sont parfois mis en place comme à Presles en Isère, ou un passage dédié aux crapauds a été installé par une association locale. Dans d’autres villes, ce sont des routes entières qui sont fermées pendant des périodes de migration ou d’hibernation, comme le tunnel du Bois Clair qui est fermé une partie de l’année pour préserver des espèces protégées de chauves-souris.
En parlant du tunnel du Bois Clair, il fait partie d’une route sobrement nomé la voie verte : une boucle de plus de 100 kilomètres au coeur de la Bourgogne du sud. Si jamais vous souhaiter faire du cyclotourisme, je vous conseille vivement cette voie que j’ai eu le plaisir de parcourir.
Le permis de conduire
Ah les années permis ! Moi aussi je suis passé par là, et je peux vous dire que ce n’était pas une partie de plaisir. Que ce soit le permis B pour la voiture ou le permis moto, ce petit bout de papier rose ne s’obtient pas si facilement. Ce n’est pas tant sa couleur qui me dérange, quoique l’on puisse s’interroger sur l’énergumène qui a pensé à cette étrange couleur.
En France, le permis de conduire est cher, très cher, comptez plus de 1600 € pour le premier passage. Déjà que le prix du forfait minimum est incroyablement prohibitif, il faut en général compter sur un prix bien supérieur si l’auto-école chez qui vous allez tente de vous arnaquer.
Mais le problème, ce n’est pas vraiment l’auto-école. D’année en année, l’examen du permis de conduire est devenu de plus en plus difficile, si bien que seulement la moitié des élèves obtiennent l’examen pratique du premier coup. Et là, les heures accumulées font s’envoler le prix du fameux sésame : 2200 € en moyenne.
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Rapport OMS de situation sur la sécurité routière 2015 ↩
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OMS, « La sédentarité, une cause majeure de maladies et d’incapacités » ↩
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Fressoz J.-B., Bonneuil C., (2013). « L’évènement anthropocène, la Terre, l’histoire et nous » ↩
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Huxley A., (1931). « Le meilleur des mondes » ↩
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Hart-Schmidt B., « Roadside eats » ↩
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Nicolson, Adam (2006) « Where have all our hedgehogs gone? » The Guardian Tuesday, 17 janvier 2006. ↩